L'orage grondait au loin. Cela faisait deux heures que Hida Sukejuro se tenait là, debout sous la pluie. A ses pieds, dans la boue, gisait la carcasse démembrée d'une créature mi-homme mi-bête.
L'homme qui était un Bushi du clan du Crabe gardait ses poings fermés. D'une main, il serrait le manche de son Ono d'où s'écoulait encore le sang de la créature. De l'autre il tenait un parchemin froissé dont l'encre avait fini par s'écouler au contact de la pluie. La rage se lisait dans son regard et n'allait pas diminuer de ci-tôt. "L'ordure..." C'était le seul mot qui sortait de sa bouche.
Comme pour faire écho à ce mot la foudre frappa la montagne au loin. Les kamis semblaient partager sa colère : un traître de son propre sang s'était révélé et avait bafoué l'honneur de sa famille en pactisant avec l'Outremonde. Il finit par lever la tête, l'eau se mit à couler sur son visage et il secoua ses longs cheveux noirs.
"Tu vas avoir du pain sur la planche jeune homme...". A ces mots, le bushi se retourna et vit sous ses yeux un vieil homme portant une armure du clan du crabe quasiment identique à la sienne. "Qui es-tu, l'ancêtre?" lui répondit il.
"Modères tes propos !" cracha-t-il. "Tu es peut-être mon descendant mais cela ne t'autorise pas à me parler de la sorte ! Quand je vois ce qu'est devenue ma famille après trois cent ans cela me rend malade !". A ce moment les contours du vieil homme se mirent à s'illuminer et sa silhouette commença à changer... peu à peu son corps devenait transparent. Le Bushi Hida, d'ordinaire si téméraire, recula d'un pas à la vue de ce changement.
Le vieil homme continua. "Saches que je t'observe depuis longtemps. Suffisamment pour savoir que tes dépravations diverses sont autant de souillure sur le nom de notre famille. Ce qu'il y a d'écrit dans ce parchemin est la seule alternative qu'il te reste pour redonner un peu d'honneur en notre nom." Il marqua un temps d'arrêt. "Que tu le veuilles ou non je vais m'assurer, aussi incapable que tu sois, du bon déroulement de la traque de ce traître".
Un éclair déchira le ciel de nouveau, cette fois-ci tout proche du guerrier qui recula, ébloui. Lorsqu'il rouvrit les yeux péniblement, il s’aperçut que l'être fantomatique n'était plus là. "Le destin me joue un nouveau tour... A moins que ça ne soit la fatigue". Sur ce il se retourna et s'éloigna d'un pas assuré. En passant à côté du cadavre, il donna un violant coup de pied à la tête décapitée. "Bientôt ce sera ta tête qui roulera dans la boue mon oncle, je le jure ici même...".